jeudi 10 décembre 2009

Boîte à tétée


Pistache parle beaucoup avec son corps. J'avais acheté, quand elle était toute petite, un livre sur le langage des signes appliqué aux bébés que j'aurais aimé utiliser. Je l'ai perdu presque tout de suite, mais Pistache a inventé ses signes à elle, qui nous permettent de communiquer au quotidien. Elle dit néanmoins quelques mots. "Tétée" ou "téter" est un mot qu'elle utilise énormément. Pour téter, évidemment. Quelquefois pour boire, ouvrir une boite de fromage, de gâteaux, de chocolats. Mais aussi pour ouvrir une boîte à musique et en démonter le mécanisme. Je cherche le lien. Téter, signe d'ouverture ? Prémisse à la recherche ? Je ne sais pas. Pour beaucoup de choses qui concernent mes filles, d'ailleurs, je ne sais pas ... Mais là, vraiment, j'aimerais comprendre. La tétée permet-elle l'ouverture à ce qui est, hors de soi ? Serait-elle la porte du monde ? Myrtille me le fait croire parfois, quand elle se blottit contre le sein, tête une seconde, et tourne un grand coup vers le monde en riant aux éclats. Puis elle revient se blottir. Un peu comme un enfant irait à la rencontre des autres, tout en revenant quelquefois contre sa maman pour puiser la re-assurance nécessaire aux mille découvertes à venir.

mardi 17 novembre 2009

Tout proche


"Vous dîtes : c'est fatigant de fréquenter les enfants. Vous avez raison. Vous ajoutez : parce qu'il faut se mettre à leur niveau, se baisser, s'incliner, se courber, se faire petit. Là, vous avez tort. Ce n'est pas cela qui fatigue le plus. C'est plutôt le fait d'être obligé de s'élever jusqu'à la hauteur de leurs sentiments. De s'étirer, de s'allonger, de se hisser sur la pointe des pieds. Pour ne pas les blesser." Janusz Korczak

Où sont les petits êtres à dresser dont on m'avait tant parlé ? Je n'ai que deux filles qui, chaque jour, m'apprennent à me tenir debout et me font grandir. Comme leurs réactions parlent aux miennes, comme elles font bouger l'enfant en moi ! Et puis leurs sourires, leur esprit de coopération, leur amour sans limites, tout cela m'enseigne et m'entraine à leur donner le meilleur. Il s'agit de les accompagner sur le chemin de la confiance, de l'amour, du respect, de la liberté. C'est une mission fatigante, c'est une mission presque impossible, mais c'est aussi, je crois, une mission essentielle, indispensable.
image olivier Föllmi

mercredi 11 novembre 2009

Te voici


"L'enfant qui naît n'est pas petit, mignon, charmant ! Il est une étincelle du feu divin, de cet amour infini qu'est la vie." Frédérick Leboyer, dans Célébrer la naissance, éditions Seuil.
Myrtille vient de s'endormir contre moi, elle sourit comme une bienheureuse et son souffle contre ma poitrine m'apaise et me comble. Plénitude du nouveau né, plénitude de sa mère ... Alors que je remplis un questionnaire sur l'accouchement, je retrouve cette plénitude originelle, celle de notre rencontre. A ce jour, je ne connais pas d'amour plus fort que celui qui me lie à mes filles. Non, je ne rêve pas d'un autre type d'accouchement, d'une maison de naissance ; oui, l'hôpital peut être un lieu merveilleux, il l'a été 2 fois déjà pour moi, pour nous. Non, je n'ai jamais eu trop peur, juste un peu parfois. Non, je n'ai jamais cru que je n'y arriverai pas, j'avais toutes mes grand-mères et les grand-mères de mes grand-mères et leur expérience avec moi. Oui, je me suis sentie submergée, je me suis laissée porter, et ce lacher prise a permis que je m'ouvre en totalité à la VIE qui jaillissait. Non, je ne voulais pas de péridurale, je voulais être avec mon enfant, tout le temps, pleinement consciente, pleinement présente. Je ne voulais pas qu'une seule de mes cellules manque cette expérience incroyable qu'est la naissance. Je voulais accompagner mon enfant, quoi qu'il m'en coûte, et j'ai eu la chance qu'il ne m'en coûte pas trop. Je ne connais rien de plus fort, rien de plus beau, rien de plus initiatique qu'une naissance. Je voulais vivre cette expérience. Pendant 8 ans je tempêtais qu'elle m'échappe, puis, enfin, elle est venue, la naissance d'un enfant VIVANT.
Voilà bientôt 2 ans que Pistache est née. Voilà bientôt 2 ans qu'elle fait route avec nous, et que nous faisons connaissance. Je fais à nouveau ce chemin avec vous en vous offrant les derniers mots du livre "Marie-Kerguelen"


Et puis le temps venu, la vie revint nous bercer d’espoir. Un bébé commençait à prendre chair. Bravant ma peur de souffrir, je décidai de tout lui consacrer. Je m’arrêtai de travailler. Je ne sortais presque pas de notre petit appartement. J’y vivais, non pas comme un otage, mais comme une religieuse cloitrée. Car j’aimais à nouveau, et j’étais pleine de ferveur. Les saisons passaient devant ma fenêtre – une belle fenêtre donnant sur un cèdre magnifique, un cèdre du Liban. Je profitais du temps qui m’était offert pour repasser les évènements de ma vie. Pas les passer en revue, non, les repasser vraiment, c'est-à-dire les rendre lisses. Je voulais me laver, me préparer comme une mariée, je voulais que ce petit être, s’il devait venir au monde, me trouve purifiée, libérée, je voulais que rien de mon passé ne puisse peser sur lui. Je ne suis pas sûre d’y être parvenue, mais j’ai mis tout mon cœur à cette œuvre – me libérer pour lui faire de la place, et le sentir prendre possession de tout l’espace.
Enfin, après neuf mois bien pleins, une excitation féérique remplit mon air. Je frétillais d’impatience comme les enfants au soir de Noël.
Et les contractions sont venues. Pour la première fois je les attendais. Pour la première fois je les accueillis comme des alliées. Je respirais au rythme des vagues qui m’assaillaient. C’était fort, c’était puissant, je me sentais vivante comme jamais. J’avais attendu huit ans ce moment et il arrivait. J’accouchai pour la troisième fois, et pour la troisième fois sans péridurale, parce que je voulais tout vivre en entier. Mais pour la première fois, le petit être dont je découvris le sexe en l’attrapant par les fesses me regarda. Et je le regardai.
Puis, apaisée, ma fille s’endormit contre moi.
Pour nous une nouvelle ère commençait.
Enfin une vie m’était confiée
J’allais pouvoir prendre soin d’elle.

dimanche 1 novembre 2009

Meilleur du Web : Classement des meilleurs sites web.

comme une rivière


Notre maison est parfois bien rangée. On voit le vide entre les livres, entre les meubles. On ne trébuche pas quand on marche. On peut marcher la tête en l'air, l'esprit libre. L'endroit se prêterait presque à la méditation. Mais que Pistache se lève, et on peut suivre son passage à la trace. Comme les vagues de la mer, elle dépose sur son sillage tout ce qui s'est trouvé à sa portée. Des jouets, des choses diverses et variées qu'elle a réussi à attraper. Comme elle monte de plus en plus haut, il y a de plus en plus de ces petites choses .. Alors je la suis et ramasse, tentant de lui apprendre l'ordre. Elle m'aide un peu .. avant de passer à autre chose. Il semble que sur ce point, nous n'ayons pas les mêmes valeurs. Pistache ne fait pas le vide, elle fait le plein, toujours (sauf celui de son estomac). La vie n'attend pas ! Et oui, notre fille est comme une rivière, dit son père qui, souvent, a de jolies expressions dans ce français qui n'est pas sa langue maternelle.
(image pub Clayeux)

dimanche 25 octobre 2009

Tendresse


Avec la fin de l'été, la saison des gencives douloureuses et des dents qui percent a commencé pour Pistache et Myrtille. Dans son sillage, réveils nocturnes, pleurs et tétées plus fréquents. Pas drôles, les 2 premières années d'un enfant ? Tellement merveilleuses pourtant ! Car un regard suffit, non pas à balayer la fatigue parentale, mais à la faire passer derrière, à une plus juste place. Pistache a des yeux olive-noire qui sondent le fond des coeurs et Myrtille des yeux olive-verte d'une extrême douceur. Ce regard là est plein d'amour, il est un don total. Plongée dans leur regard intense, je me noie pour me retrouver, rencontrant grâce à elles la part la plus précieuse et la plus puissante de mon être, cette part qu'aucun mal ne peut attendre, cette part de supplément d'âme. J'y reste un long moment, dans cet état profond et méditatif ... Au réveil, je me sens vivante de la tête aux pieds, mes cellules activées et colorées, un peu comme les feuilles d'un arbre frissonnent quand elles sont secouées par un vent tendre et vigoureux à la fois. Alors, quoi de neuf ? Tout, aurait-on envie de répondre !
image olivier Föllmi

dimanche 4 octobre 2009

Puissance


J'achève "Célébrer la naissance" de Frédéric Leboyer. J'avais longuement regardé les images depuis deux ans que ce livre est dans ma bibliothèque - mon père me l'avait offert pour la naissance de Pistache. Enfin, voilà qu'au fil des tétées, j'ai lu le texte. Très bon, très fort, très proche de ce que j'ai vécu. L'accouchement, je pourrais en parler des heures, une vraie expérience initiatique, aussi forte que je l'imaginais. Elle m'a poussée vers mes profondeurs, et ce contact là m'a donné une force inouïe, de quoi accompagner mes filles vers la vie sans autre assistance que la présence de mon mari et de la sage femme, comme des millions de femmes depuis la nuit des temps. Et vers c'est cette force là que je me jette quand l'épuisement guette ...
Cette expérience me fait penser au discours de Nelson Mandela lors de son intronisation à la présidence de la République d’Afrique du Sud en 1994. Nous l’avons relu lors du baptême de Myrtille il y a 15 jours : « Notre peur la plus profonde n’est pas que nous ne soyons pas à la hauteur. Notre peur la plus profonde est que nous sommes puissants au-delà de toute limite. C’est notre propre lumière, et non pas notre obscurité, qui nous effraie le plus. Nous nous posons la question « qui suis-je, moi, pour être brillant, radieux, talentueux et merveilleux ? ». En fait, qui êtes-vous pour ne pas l’être ? Vous êtes un enfant de Dieu. Vous restreindre, vous rendre petit ne rend pas service au monde. L’illumination n’est pas de vous rétrécir pour éviter d’insécuriser les autres. Nous sommes nés pour rendre manifeste la gloire de Dieu qui est en nous. Elle ne se trouve pas seulement chez quelques élus : elle est en chacun de nous, et au fur et à mesure que nous laissons briller notre propre lumière, nous donnons inconsciemment aux autres la permission de faire de même. En nous libérant de notre propre peur, notre présence libère automatiquement les autres. »

samedi 26 septembre 2009

Mammifère


J'ai passé des soirées et des nuits à refaire le monde, des semaines à marcher dans l'Himalaya, cherchant mon souffle à plus de 5000m ; voilà que le monde pour moi renaît chaque jour dans les sourires et les larmes et que les tétées nocturnes donnent lieu à de drôles de retournements. Les filles changent de lit, leur père aussi, je suis devenue la plaque tournante d'étranges phénomènes migratoires. On m'implore de laisser plutôt pleurer mes filles. Mon cerveau refuse, comment rester sourde aux appels au prétexte que les filles ont bu et n'ont pas de fièvre, raccrocherait-on ainsi au nez d'une amie qui vous appellerait dans la peine ? Mon corps refuse tout autant, dans cette maternité qui réconcilie tout mon être, mieux que toutes mes lectures philosophiques et psychologiques ne l'avaient fait auparavant. Oui, je suis un mammifère, un genre de baleine sortie des eaux, et oui, cet état primal est fort bon. En sus, il ne durera qu'un temps ...

dimanche 20 septembre 2009

Jalousie


La jalousie est un treillis de bois ou de métal à travers duquel on peut voir sans être vu (c’est Robert qui le dit). Ceux qui voudraient en savoir plus peuvent lire Alain Robbe-Grillet, qui lui a consacré tout un roman. On me demande très souvent si Pistache est jalouse de Myrtille. La naissance de la seconde a généré des émotions chez l’ainée, c’est certain. Mais de la jalousie ? N’est-ce pas un sentiment d’adulte bien complexe pour une petite de 20 mois ? Derrière quoi irait-elle cacher une émotion qui ne se verrait pas ? La première chose que fait Pistache quand elle rencontre quelqu’un, c’est de montrer fièrement sa petite sœur, souvent à demi cachée par l’écharpe de portage. Il n’y a qu’à sa petite sœur qu’elle fait des bisous. A sa poupée aussi … Myrtille n’est jamais si heureuse que près de sa sœur qui aime la prendre tout contre elle. On pourrait donc conclure très vite à la parfaite idylle. D’ailleurs, nombreuses sont les amies qui m’ont conté le bonheur qu’elles avaient eu à grandir avec une sœur toute proche, le faible écart d’âge ayant scellé un lien très fort. Oui, tout cela est très beau et très encourageant. Mais que devais-je penser quand Pistache a attrapé le tuyau de l’aspirateur pour courir vers sa petite sœur ? Jalousie jalousie ? Je n’ai pas pensé, j’ai juste couru plus vite que le tuyau …

jeudi 23 juillet 2009

Pour de faux

Pistache et Myrtille ne sont évidemment pas les prénoms de mes filles. Alors pourquoi ces pseudos ? Parce qu'ainsi, j'avais l'impression de préserver l'intimité de mes fillettes. Et puis cela me permettait aussi de prendre du recul. Et ça, c'est une denrée dont j'ai besoin en illimité en ce moment ...
18 mois pour mettre au monde une pistache et une myrtille, vous me direz que ce n'est pas très productif tout ça. Ben oui, et cela continue. Je passe mes journées à commencer mille choses et à n'en finir que quelques unes, à courir pour éviter les dangers de certaines des explorations de Pistache, et la consoler quand elle chute, à donner des tétées en simple et en double, à calmer les reflux et les maux de ventre de Myrtille, bref, on ne chaume pas et on ne fait rien ... qui soit vraiment visible. Mes résultats quotidiens ne sont guère plus gros qu'une pistache et qu'une myrtille, mais j'espère qu'un jour, j'aurai des filles heureuses, pour de vrai !

vendredi 17 juillet 2009

Au ras des pâquerettes

« je suis toujours assis par terre, à leur hauteur », écrivait Yves Duteil. Moi aussi, pour jouer avec Pistache. Mais pas seulement.. Ce matin, un liquide chaud et or a traversé en trombes la couche de Myrtille pour atterrir sur l’une des rares jupes qui sied à ma silhouette de jeune accouchée. Les selles des bébés allaités sentent bon le fromage blanc au miel mais la persistance de leur jolie couleur dorée sur les vêtements n’a pas beaucoup d’équivalents – peut-être les fruits rouges et d’ailleurs si quelqu’un a une recette antitaches quand on n’a pas le temps de laver dans la seconde je suis preneuse-. Alors que je fonçais vers la salle de bains avec Myrtille sur l’épaule, j’ai failli glisser sur une flaque jaune –pas du tout dorée celle là-. Pistache met encore des couches mais adore enlever leurs scratchs pour faire la douce expérience des fesses nues et jouer avec ce qui peut en sortir. Je venais d’éviter de justesse le traumatisme crânien pour ma fille de 3 semaines. Il s’en est fallu de peu que la "grande" de 18 mois ne goûte à la saucisse marron qu’elle trempait amoureusement dans une seconde flaque jaune. Quand on est mère de famille il faut de bons réflexes, des nerfs solides et une bonne machine à laver ! Je vous laisse imaginer la scène : une fille sur l’épaule gauche, une serpillère dans la main droite, proférant des bruits d’animaux pour faire reculer une petite curieuse de 18 mois qui me regardait avec des yeux ronds comme des billes… Enfin sortie d’affaire je descends tous les dommages collatéraux dans ce qui nous sert de buanderie. Pistache hurle parce que je lui ai enlevé ses « jouets », son terrain d’exploration. Myrtille hurle qu’elle veut téter. Et zut, c’est aujourd’hui que la machine à laver en profite pour tomber en panne …

mercredi 15 juillet 2009

côte de mouche

Pistache est une petite fille de 18 mois dotée d'une curiosité insatiable, d'un enthousiasme débordant, et d'une vitalité .. à la hauteur de laquelle je ne trouve aucun adjectif. Ce tonus là l'a sauvée d'une maladie très grave et tous les jours je remercie le Ciel de l'en avoir parée. Car ce n'est pas à son estomac qu'elle le doit. Je ne sais pas de quoi elle se nourrit, d'un peu de lait et d'eau fraiche, d'amour peut-être aussi, car pour le reste ... une cuisse d'araignée et une côté de mouche suffiraient sans doute à son festin quotidien. On me propose des cadeaux de naissance pour Myrtille .. hum .. Qui pourrait concocter ces mets minuscules ? Et peut-être un peu de lait de hérisson aussi ?

chronique matutinale d'un dimanche matin



11h24, les filles dorment-elles enfin ou encore, j’en ai une de 18 mois collée à mon flanc droit, une de 3 semaines collée à gauche, il paraît que cela ne se fait pas alors comment est-ce possible ? Le jour est levé mais je me suis levée bien plus tôt que lui, et plus d’une fois en sus, alors pas la peine de faire le fier hein !
Il me faut bien une heure pour étancher la soif des filles, changer ces demoiselles, leurs couches –lavables-en jonglant –sans doute de travers- entre les demandes d’attention. Mon mari dort dans une autre chambre, pourtant nous avions commencé la nuit ensemble, là non plus je ne fournirai pas d’explication. Et puis encore une tétée, deux tétées, les seins chauffent comme des pneus aux 24h du Mans. Une des limites du co-allaitement, c’est qu’on n’a plus la place pour tenir un bon bouquin. Alors on savoure les secondes de silence, c’est un peu comme le souffle entre les contractions, le vide entre les objets, le blanc entre les panneaux de couleur. C’est bon quand on peut entendre le vent d’été glisser entre les feuilles des arbres. Mais la vie bruyante et remuante reprend vite toute la place et c’est bon aussi, et on ne peut pas dire que je ne l’ai pas voulue !